Burundi : CNDD-FDD, 20 ans de médiocrité
Pendant les 20 ans de règne du CNDD-FDD, le Burundi a végété dans la médiocrité, l’arbitraire et la corruption.
Le 5 juin 2025 est une journée électorale importante au Burundi, où les citoyens sont appelés aux urnes pour élire les députés de l’Assemblée nationale et les conseillers communaux. Pour le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, cette date marque aussi une célébration : celle de ses 20 ans à la tête du pays.
À cette occasion, Dr Benjamin Ndagijimana, consul du Burundi à Laâyoune (Maroc) et ancien secrétaire provincial du CNDD-FDD, a déclaré sur sa page X :
« Pour la première fois, un parti — le CNDD-FDD — célèbre 20 ans de paix continue, avec des élections régulières. Plus de 5 millions de Burundais aux urnes, dont près d’un million de jeunes nés en 2005 votant pour la première fois. Un scrutin dans un calme inédit, reflet d’une maturité politique remarquable. »
Le président Evariste Ndayishimiye (en blanc) saluant le secrétaire général du CNDD-FDD pendant un meeting électoral, mai 2025
Célébrer « 20 ans de paix continue » est une chose. Montrer ce que le pouvoir a réellement accompli en est une autre. D’après l’ONG Care, le Burundi est le deuxième pays le plus pauvre au monde en 2025 (après le Soudan du Sud), avec un PIB par habitant de 1015 $. « Au Burundi, plus de 85 % de la population dépend de l’agriculture de subsistance, mais la productivité est faible en raison du manque d’infrastructures et de la dégradation des sols engendrée par la surexploitation agricole, la déforestation, l’érosion et le réchauffement climatique. De plus, la malnutrition touche plus d’un enfant sur 2 de moins de 5 ans. Enfin, l’instabilité politique et les tensions ethniques compliquent toute amélioration de la situation économique », explique Care. En 2005, le Burundi était à peu près à la même position, il n’a donc pas bougé pendant 20 ans.
Le Burundi est aussi classé parmi les 10 pays ayant l’Indice de développement humain (IDH) le moins élevé au monde en 2024.
Démocratie vantée, opposition bâillonnée
Le parti CNDD-FDD se targue aussi d’avoir consolidé la démocratie au Burundi. Dans l’un de ses discours de campagne diffusé le 30 mai sur la page X du parti, le président Evariste Ndayishimiye dit ceci : « C’est le parti CNDD-FDD qui a consolidé la démocratie, c’est pour cette raison que tous les autres partis peuvent s’exprimer librement. Au Burundi il n’y a plus de désordre, nous sommes un pays de droit. Le Burundi est en paix parce que le CNDD-FDD est venu réconcilier tous les Burundais ».
Mais la réalité contraste fortement avec ce discours officiel. Le pouvoir a tout mis en œuvre pour empêcher Agathon Rwasa, leader du principal parti d’opposition (CNL), de participer à ces élections. Les rares partis d’opposition autorisés à concourir sont ceux que le régime juge inoffensifs. La véritable opposition est soit en exil, soit réduite au silence depuis près de dix ans. Le Burundi sous le CNDD-FDD n’est pas une démocratie, c’est une caricature de démocratie.
Un régime autoritaire assumé
D’ailleurs, personne n’en est dupe. Sur le classement des Etats du monde par l’Indice de démocratie de 2024, le Burundi occupe la 147e place sur 167 pays, juste à côté des pays les plus dictatoriaux au monde comme la Biélorussie, la Chine ou l’Erythrée. Ce qui est le plus choquant, c’est qu’en 2006, quand The Economist a commencé à publier cet indice et que le CNDD-FDD commençait à peine à diriger le pays, l’indice de démocratie du Burundi était de 4,5 alors qu’il n’est plus que 2,13 en 2023. Autrement dit, le CNDD-FDD a littéralement massacré la démocratie burundaise en 20 ans au lieu de la faire progresser.
D’ailleurs, les dirigeants du CNDD-FDD ont une drôle façon de justifier leurs velléités dictatoriales comme une posture positive. Voici ce que dit Reverien Ndikuriyo, le Secrétaire général du CNDD-FDD dans un discours diffusé le 31 mai sur X :
« Ne vous laissez pas intimider par ceux qui disent que le CNDD-FDD veut être un parti unique. Tous les pays développés que vous voyez en Europe et en Asie sont développés quand ils avaient un parti fort. Le multipartisme ne développe pas un pays. Un pays se développe quand il a un parti fort qui donne une vision que tout le monde suit. Allez demander, même ces européens se sont développés dans les années 60, quand ils avaient des partis qui gagnaient à 80%, 70%. Le multipartisme, c’est bien quand vous êtes déjà développés, quand vous avez déjà tous les besoins de base, les routes, l’électricité, etc. Là c’est bien, chacun peut faire ce qu’il veut. Mais quand vous êtes encore en marche, quand vous voulez aller loin, vous y allez tous ensemble. Si nous voulons planter des avocatiers, nous le faisons tous. Si nous voulons planter des caféiers, nous les plantons tous. Si nous disons que nous voulons faire quelque chose, nous le faisons tous. Sachez-le, aucun pays ne se développe quand les gens se déchirent. Le pays se développe quand les gens sont unis, quand nous luttons ensemble contre les voleurs, contre la fraude, c’est là que les choses se passent bien ».
Cette déclaration dévoile une conception autoritaire du développement, où l’unité est confondue avec l’uniformité, et le pluralisme perçu comme un obstacle.
Ce que dit le numéro 1 du CNDD-FDD, c’est que penser différemment est inutile, voire nuisible. Le pays n’aurait besoin que d’un chef, ou d’un petit groupe de personnes pensant pour tous, en l’occurrence les dirigeants du parti
Mais que se passe-t-il si ces « élus » n’ont pas de vision claire, ou ne cherchent qu’à s’enrichir ? Le Burundi est alors condamné à stagner dans la médiocrité, l’arbitraire et la corruption. C’est ce qui s’est passé pendant les 20 années de règne du CNDD-FDD.
Chanson par Mkombozi, également candidat indépendant aux législatives